ISSN 2271-1813

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Voltaire, Le Siècle de Louis XIV, l'édition de 1751
Préparée et présentée par Ulla Kölving

 

[p. 125] CHAPITRE SIXIÉME

Louis XIV gouverne par lui même. il force la branche d'aûtriche espagnole à lui céder par-tout la préséance, & la cour de rome à lui faire satisfaction. il achette dunkerque. il donne des secours à l'empereur, au portugal, aux états généraux, & rend son roiaume florissant & redoutable.

Jamais il n'y eut dans une cour plus d'intrigues & d'espérances, que durant l'agonie du cardinal mazarin. les femmes, qui prétendaient [p. 126] à la beauté, se flattaient de gouvernèr un prince de vingt-deux ans, que l'amour avait déja séduit jusqu'à offrir sa couronne à sa maitresse. les jeunes courtisans croiaient renouveller le régne des favoris. chaque ministre espérait la premiére place. aucun d'eux ne pensait, qu'un roi élevé dans l'éloignement des affaires, osât prendre sur lui le fardeau du gouvernement. mazarin avait prolongé l'enfance de ce monarque autant qu'il l'avait pû. il ne l'instruisait que depuis fort peu de tems, & parce que le roi avait voulu être instruit.

On était si loin d'espérer d'être gouverné par son souverain, que de tous ceux qui avaient travaillé jusqu'alors avec le premier ministre, il n'y en eut aucun, qui demandât au roi, quand il voudrait les entendre. ils lui demandérent tous: à qui nous adresserons-nous? & louis XIV leur répondit: à moi. on fut encor plus surpris de le voir persévérer. il y avait quelque tems qu'il consultait ses forces, & qu'il essaïait en secret son génie pour régner. sa résolution prise une fois, il la maintint jusqu'au dernier moment de sa vie. il fixa à chacun de ses ministres les bornes de son pouvoir, se faisant rendre compte de tout par eux à des heures réglées, leur donnant la confiance [p. 127] qu'il fallait pour accréditer leur ministére, & veillant sur eux pour les empécher d'en trop abuser. il commença par mettre de l'ordre dans les finances dérangées par un long brigandage.

La discipline fut rétablie dans les troupes, comme l'ordre dans les finances. la magnificence & la décence embellirent sa cour. les plaisirs même eurent de l'éclat & de la grandeur. tous les arts furent encouragés, & tous emploiés à la gloire du roi & de la france.

Ce n'est pas ici le lieu de le représenter dans sa vie privée, ni dans l'intérieur de son gouvernement; c'est ce que nous ferons à part. il suffit de dire que ses peuples, qui depuis la mort de henri le grand n'avaient point vû de véritable roi, & qui détestaient l'empire d'un premier ministre, furent remplis d'admiration & d'espérance, quand ils virent louis XIV faire à vingt-deux ans, ce que henri avait fait à cinquante. si henri IV avait eû un premier ministre, il eût été perdu, parce que la haine contre un particulier eût ranimé vingt factions trop puissantes. si louis XIII n'en avait pas eû, ce prince, dont un corps faible & malade énervait l'ame, eût succombé sous le poids. louis XIV pouvait, sans péril, avoir ou n'avoir pas de premier ministre. il ne restait [p. 128] pas la moindre trace des anciennes factions; il n'y avait plus en france qu'un maître, & des sujets. il montra d'abord qu'il ambitionnait toute sorte de gloire, & qu'il voulait être aussi considéré au dehors qu'absolu au dedans.

Les anciens rois de l'europe prétendent entre eux une entiére égalité, ce qui est très-naturel; mais les rois de france ont toûjours réclamé la préséance, que mérite l'antiquité de leur race & de leur roiaume: & s'ils ont cédé aux empereurs, c'est parce que les hommes ne sont presque jamais assez hardis pour renversèr un long usage. le chef de la république d'allemagne, prince électif & peu puissant par lui-même, a le pas sans contredit sur tous les souverains, à cause de ce titre de césar & d'héritier de charlemagne. sa chancellerie allemande ne traite [errata: traitait alors] pas même les autres rois de majesté. les rois de france pouvaient disputer la préséance aux empereurs, puisque la france avait fondé le véritable empire d'occident, dont le nom seul subsiste en allemagne. ils avaient pour eux, non seulement la supériorité d'une couronne héréditaire sur une dignité élective, mais l'avantage d'être issus, par une suite non interrompuë de souverains qui régnaient sur une grande monarchie, plusieurs [p. 129] siécles avant que dans le monde entier aucune des maisons qui possédent aujourd'hui des couronnes, fût parvenuë à quelque élévation. ils voulaient au moins précéder les autres puissances de l'europe. on alléguait en leur faveur le nom de très-chrétien. les rois d'espagne opposaient le titre de catholique; & depuis que charles-quint avait eû un roi de france prisonnier à madrid, la fierté espagnole était bien-loin de céder ce rang. les anglais & les suédois, qui n'alléguent aujourd'hui aucun de ces surnoms, reconnaissent, le moins qu'ils peuvent, cette supériorité.

C'était à rome que ces prétentions étaient autrefois débattuës: les papes, qui donnaient les états avec une bulle, se croiaient à plus forte raison en droit de décider du rang entre les couronnes. cette cour, où tout se passe en cérémonies, était le tribunal où se jugeaient ces vanités de la grandeur. la france y avait eû toûjours la supériorité, quand elle était plus puissante que l'espagne; mais depuis le régne de charles-quint, l'espagne n'avait négligé aucune occasion de se donner l'égalité. la dispute restait indécise; un pas de plus ou de moins dans une procession, un fauteüil placé près d'un autel, ou vis-à-vis la chaire [p. 130] d'un prédicateur, étaient des triomphes, & établissaient des titres pour cette prééminence. la chimére du point d'honneur était extréme alors sur cet article entre les couronnes, comme les duëls entre les particuliers.

Il arriva qu'à l'entrée d'un ambassadeur de suéde à londres, le comte d'estrade [M] ambassadeur de france, & le baron de watteville ambassadeur d'espagne, se disputérent le pas. l'espagnol, avec plus d'argent & une plus nombreuse suite, avait gagné la populace anglaise: il fait d'abord tuer les chevaux des carosses français, & bientôt les gens du comte d'estrade, blessés & dispersés, laissérent les espagnols marcher l'épée nuë comme en triomphe.

Louis XIV, informé de cette insulte, rappella l'ambassadeur qu'il avait à madrid, fit sortir de france celui d'espagne, rompit les conférences qui se tenaient encor en flandre au sujet des limites, & fit dire au roi philippe IV son beau-pére, que s'il ne reconnaissait la supériorité de la couronne de france, & ne réparait cet affront par une satisfaction solennelle, la guerre allait recommencer. philippe IV ne voulut pas replonger son roiaume dans une guerre nouvelle, pour la préséance d'un ambassadeur: il envoia le comte de [p. 131] fuentes [M] déclarèr au roi à fontainebleau, en présence de tous les ministres étrangers, qui étaient en france: que les ministres espagnols ne concourraient plus dorénavant avec ceux de france. ce n'en était pas assez pour reconnaître nettement la prééminence du roi; mais c'en était assez pour un aveu authentique de la faiblesse espagnole. cette cour encor fiére, murmura longtems de son humiliation. depuis, plusieurs ministres espagnols ont renouvellé leurs anciennes prétentions: ils ont obtenu l'égalité à nimégue; mais louis XIV acquit alors, par sa fermeté, une supériorité réelle dans l'europe, en faisant voir combien il était à craindre.

A peine sorti de cette petite affaire avec tant de grandeur, il en marqua encor davantage dans une occasion, où sa gloire semblait moins intéressée. les jeunes français, dans les guerres faites depuis longtems en italie contre l'espagne, avaient donné aux italiens circonspects & jaloux, l'idée d'une nation impétueuse. l'italie regardait toutes les nations, dont elle était inondée, comme des barbares, & les français comme des barbares plus gais que les autres mais plus dangereux, qui portaient dans toutes les maisons les plaisirs avec le mépris, & la débauche avec l'insulte. ils étaient craints partout, & surtout à rome.

[p. 132] Le duc de créqui, ambassadeur auprès du pape, avait révolté les romains par sa hauteur: ses domestiques, gens qui poussent toûjours à l'extrémité les défauts de leur maître, commettaient dans rome les mêmes désordres que la jeunesse indisciplinable de paris, qui se faisait alors un honneur d'attaquer toutes les nuits le guet qui veille à la garde de la ville.

Quelques laquais du duc de créqui s'avisérent de charger l'épée à la main une escouade des corses (ce sont les archers de rome) & mirent en fuite ces misérables. tout le corps des corses, offensé & secrettement animé par dom mario chigi frére du pape aléxandre VII, qui haïssait le duc de créqui, vint en armes assiéger la maison de l'ambassadeur. [M] ils tirérent sur le carosse de l'ambassadrice qui rentrait alors dans son palais; ils lui tuérent un page, & blessérent plusieurs domestiques. le duc de créqui sortit de rome, accusant les parens du pape & le pape lui-même, d'avoir favorisé cet assassinat. le pape différa tant qu'il put la réparation, persuadé qu'avec les français il n'y a qu'à temporiser, & que tout s'oublie. il fit pendre un corse & un sbire au bout de quatre mois, & il fit sortir de rome le gouverneur, soupçonné [p. 133] d'avoir autorisé l'attentat: mais il fut consterné d'apprendre, que le roi menaçait de faire assiéger rome, qu'il faisait déja passer des troupes en italie, & que le maréchal duplessis-pralin était nommé pour les commander. l'affaire était devenuë une querelle de nation à nation, & le roi voulait faire respecter la sienne. le pape, avant de faire la satisfaction qu'on demandait, implora la médiation de tous les princes catholiques; il fit ce qu'il put pour les animer contre louis XIV; mais les circonstances n'étaient pas favorables au pape. l'empire était attaqué par les turcs: l'espagne était embarrassée dans une guerre peu heureuse contre le portugal.

La cour romaine ne fit qu'irriter le roi sans pouvoir lui nuire. le parlement de provence cita le pape, & fit saisir le comtat d'avignon. dans d'autres tems les excommunications de rome auraient suivi ces outrages; mais c'était des armes usées, & devenuës ridicules: il fallut que le pape pliât; il fut forcé d'éxiler de rome son propre frére, d'envoier son neveu le cardinal chigi, en qualité de légat à latere, faire satisfaction au roi, de casser la garde corse, & d'élever dans rome une piramide, avec une inscription qui contenait l'injure & la réparation. le [p. 134] cardinal chigi fut le premier légat de la cour romaine, qui fut jamais envoié pour demander pardon. les légats auparavant venaient donner des loix & imposer des décimes. le roi ne s'en tint pas à faire réparèr un outrage par des cérémonies passagéres, & par des monumens qui le sont aussi; (car il permit quelques années après la destruction de la piramide;) mais il força la cour de rome à rendre castro & ronciglione au duc de parme, à dédommager le duc de modéne de ses droits sur commachio; & il tira ainsi d'une insulte, l'honneur solide d'être le protecteur des princes d'italie.

En soûtenant ainsi sa dignité, il n'oubliait pas d'augmenter son pouvoir. ses finances bien administrées par colbert, le mirent en état d'acheter dunkerque & mardik du roi d'angleterre, pour cinq millions de livres, à vingt-six livres dix sols le marc. charles II, prodigue & pauvre, eut la honte de vendre le prix du sang des anglais. son chancelier hide, accusé d'avoir ou conseillé ou souffert cette faiblesse, [M] fut banni depuis par le parlement d'angleterre, qui punit souvent les fautes des favoris, & qui quelquefois même juge ses rois.

[M] Louis fit travailler trente-mille hommes à fortifier dunkerque du côté de la [p. 135] terre & de la mèr. on creusa, entre la ville & la citadelle, un bassin capable de contenir trente vaisseaux de guerre, de sorte qu'à peine les anglais eûrent vendu cette ville, qu'elle devint l'objet de leur terreur.

Quelque tems après, le roi força le duc de lorraine à lui donner la forte ville de marsal. ce malheureux Charles IV, guerrier assez illustre, mais prince faible, inconstant & imprudent, venait de faire un traité[M] , par lequel il donnait la lorraine à la france après sa mort, à condition que le roi lui permettrait de levèr un million sur l'état qu'il abandonnait, & que les princes du sang de lorraine seraient réputés princes du sang de france. ce traité, vainement vérifié au parlement de paris, ne servit qu'à produire de nouvelles inconstances dans le duc de lorraine; trop heureux ensuite de donner marsal, & de se remettre à la clémence du roi.

Louis augmentait ses états même pendant la paix, & se tenait toûjours prêt pour la guerre, faisant fortifier ses frontiéres, tenant ses troupes dans la discipline, augmentant leur nombre, faisant des revuës fréquentes.

Les turcs étaient alors très-redoutables en europe; ils attaquaient à la fois [p. 136] l'empereur d'allemagne & les vénitiens. la politique des rois de france a toûjours été, depuis françois premier, d'être alliés des empereurs turcs, non seulement pour les avantages du commerce, mais pour empécher la maison d'aûtriche de trop prévaloir. cependant un roi chrétien ne pouvait refuser du secours à l'empereur trop en danger, & l'intérêt de la france était bien, que les turcs inquiétassent la hongrie, mais non pas qu'ils l'envahissent; enfin ses traités avec l'empire lui faisaient un devoir de cette démarche honorable. il envoia donc six-mille hommes en hongrie, sous les ordres du comte de coligni, seul reste de la maison de ce coligni autrefois si célébre dans nos guerres civiles, & qui mérite peut-être une aussi grande renommée que cet amiral, par son courage & par sa vertu. l'amitié l'avait attaché au grand condé, & toutes les offres du cardinal mazarin n'avaient jamais pu l'engagèr à manquèr à son ami. il mena avec lui l'élite de la noblesse de france, & entre autres le jeune la feuillade, homme entreprenant, & avide de gloire & de fortune. ces français allérent servir en hongrie sous [M] le général montécuculi, qui tenait tête alors au grand-visir kiuperli, & qui depuis en servant contre la france, balança [p. 137] la réputation de turenne. il y eut un grand combat à saint-gothard au bord du raab, entre les turcs & l'armée de l'empereur. les français y firent des prodiges de valeur; les allemans même, qui ne les aimaient point, furent obligés de leur rendre justice. mais ce n'est pas la rendre aux allemans, de dire, comme on a fait dans tant de livres, que les français eûrent seuls l'honneur de la victoire.

Le roi, en mettant sa grandeur à secourir ouvertement l'empereur, & à donner de l'éclat aux armes françaises, mettait sa politique à soûtenir secrettement le portugal contre l'espagne. le cardinal mazarin avait abandonné formellement les portugais par le traité des pirénées; mais l'espagnol avait fait plusieurs petites infractions tacites à la paix. le français en fit une hardie & décisive: le maréchal de schomberg, étranger & hugenot[erreur], passa en portugal avec quatre-mille soldats français, qu'il païait de l'argent de louis XIV, & qu'il feignait de soudoièr au nom du roi portugais. ces quatre-mille soldats français, joints aux troupes portugaises, remportérent à villa viciosa [M] une victoire complette, qui affermit le trône dans la maison de bragance. ainsi louis XIV passait déja pour un prince guerrier & politique, & l'europe [p. 138] le redoutait même avant qu'il eût encor fait la guerre.

Ce fut par cette politique, qu'il évita malgré ses promesses, de joindre le peu de vaisseaux qu'il avait alors, aux flottes hollandaises. il s'était allié avec la hollande en 1662. cette république, environ ce tems-là, recommença la guerre contre l'angleterre, au sujet du vain & bizarre honneur du pavillon, & du droit réel de son commerce dans les indes. louis voiait avec plaisir ces deux puissances maritimes, mettre en mèr tous les ans, l'une contre l'autre, des flottes de plus de cent vaisseaux, & se détruire mutuellement par les batailles les plus opiniâtrées qui se soient jamais données, dont tout le fruit était l'affaiblissement des deux partis. [M] il s'en donna une qui dura trois jours entiers. ce fut dans ces combats, que le hollandais ruiter acquit la réputation du plus grand homme de mèr qu'on eût vu encor. ce fut lui qui alla brûler les plus beaux vaisseaux d'angleterre jusques dans ses ports à quatre lieuës de londres. il fit triompher la hollande sur les mers, dont les anglais avaient toûjours eû l'empire, & où louis XIV n'était rien encore.

La domination de l'océan était partagée depuis quelque tems entre ces deux nations. l'art de construire les vaisseaux, [p. 139] & de s'en servir pour le commerce & pour la guerre, n'était bien connu que d'elles. la france, sous le ministére de richelieu, se croiait puissante sur mèr, parce que d'environ soixante vaisseaux ronds que l'on comptait dans ses ports, elle pouvait en mettre en mèr environ trente, dont un seul portait soixante & dix canons. sous mazarin, on acheta des hollandais le peu de vaisseaux que l'on avait. on manquait de matelots, d'officiers, de manufactures, pour la construction & pour l'équipement. le roi entreprit de réparer les ruines de la marine, & de donnèr à la france tout ce qui lui manquait avec une diligence incroiable; mais en 1664 & 1665, tandis que les anglais & les hollandais couvraient l'océan de près de trois-cent gros vaisseaux de guerre, il n'en avait encor que quinze ou seize du dernier rang, que le duc de beaufort occupait contre les pirates de barbarie; & lorsque les états-généraux pressérent louis XIV de joindre sa flotte à la leur, il ne se trouva dans le port de brest qu'un seul brûlot, qu'on eut honte de faire partir, & qu'il fallut pourtant leur envoier sur leurs instances réitérées. ce fut une honte, que louis XIV s'empressa bien vîte d'effacer.

Il donna aux états un secours de ses [p. 140] forces de terre, plus essentiel & plus honorable. il leur envoia six-mille français, pour les défendre contre l'évêque de munster, christoffe-bernard de gaalen, prélat guerrier & ennemi implacable, soudoié par l'angleterre pour désoler la hollande. mais il leur fit païer chérement ce secours, & les traita comme un homme puissant, qui vend sa protection à des marchands opulens. colbert mit sur leur compte, non seulement la solde de ces troupes, mais jusqu'aux frais d'une ambassade envoiée en angleterre, pour conclure leur paix avec charles II. jamais secours ne fut donné de si mauvaise grace, ni reçu avec moins de reconnaissance.

Le roi aiant ainsi aguerri ses troupes & formé de nouveaux officiers en hongrie, en hollande, en portugal, respecté & vangé dans rome, ne voiait pas un seul potentat qu'il dût craindre. l'angleterre ravagée par la peste, londres réduite en cendres par un incendie attribué injustement aux catholiques; la prodigalité & l'indigence continuelle de charles second, aussi dangereuses pour ses affaires que la contagion & l'incendie, mettaient la france en sureté du côté des anglais. l'empereur réparait à peine l'épuisement d'une guerre contre les turcs. [p. 141] le roi d'espagne philippe IV mourant, & sa monarchie aussi faible que lui, laissaient louis XIV le seul puissant & le seul redoutable. il était jeune, riche, bien servi, obéi aveuglément, & marquait l'impatience de se signalèr & d'être conquérant.

[p. 125] CHAPITRE SIXIÉME

Louis XIV gouverne par lui même. il force la branche d'aûtriche espagnole à lui céder par-tout la préséance, & la cour de rome à lui faire satisfaction. il achette dunkerque. il donne des secours à l'empereur, au portugal, aux états généraux, & rend son roiaume florissant & redoutable.

Jamais il n'y eut dans une cour plus d'intrigues & d'espérances, que durant l'agonie du cardinal mazarin. les femmes, qui prétendaient [p. 126] à la beauté, se flattaient de gouvernèr un prince de vingt-deux ans, que l'amour avait déja séduit jusqu'à offrir sa couronne à sa maitresse. les jeunes courtisans croiaient renouveller le régne des favoris. chaque ministre espérait la premiére place. aucun d'eux ne pensait, qu'un roi élevé dans l'éloignement des affaires, osât prendre sur lui le fardeau du gouvernement. mazarin avait prolongé l'enfance de ce monarque autant qu'il l'avait pû. il ne l'instruisait que depuis fort peu de tems, & parce que le roi avait voulu être instruit.

On était si loin d'espérer d'être gouverné par son souverain, que de tous ceux qui avaient travaillé jusqu'alors avec le premier ministre, il n'y en eut aucun, qui demandât au roi, quand il voudrait les entendre. ils lui demandérent tous: à qui nous adresserons-nous? & louis XIV leur répondit: à moi. on fut encor plus surpris de le voir persévérer. il y avait quelque tems qu'il consultait ses forces, & qu'il essaïait en secret son génie pour régner. sa résolution prise une fois, il la maintint jusqu'au dernier moment de sa vie. il fixa à chacun de ses ministres les bornes de son pouvoir, se faisant rendre compte de tout par eux à des heures réglées, leur donnant la confiance [p. 127] qu'il fallait pour accréditer leur ministére, & veillant sur eux pour les empécher d'en trop abuser. il commença par mettre de l'ordre dans les finances dérangées par un long brigandage.

La discipline fut rétablie dans les troupes, comme l'ordre dans les finances. la magnificence & la décence embellirent sa cour. les plaisirs même eurent de l'éclat & de la grandeur. tous les arts furent encouragés, & tous emploiés à la gloire du roi & de la france.

Ce n'est pas ici le lieu de le représenter dans sa vie privée, ni dans l'intérieur de son gouvernement; c'est ce que nous ferons à part. il suffit de dire que ses peuples, qui depuis la mort de henri le grand n'avaient point vû de véritable roi, & qui détestaient l'empire d'un premier ministre, furent remplis d'admiration & d'espérance, quand ils virent louis XIV faire à vingt-deux ans, ce que henri avait fait à cinquante. si henri IV avait eû un premier ministre, il eût été perdu, parce que la haine contre un particulier eût ranimé vingt factions trop puissantes. si louis XIII n'en avait pas eû, ce prince, dont un corps faible & malade énervait l'ame, eût succombé sous le poids. louis XIV pouvait, sans péril, avoir ou n'avoir pas de premier ministre. il ne restait [p. 128] pas la moindre trace des anciennes factions; il n'y avait plus en france qu'un maître, & des sujets. il montra d'abord qu'il ambitionnait toute sorte de gloire, & qu'il voulait être aussi considéré au dehors qu'absolu au dedans.

Les anciens rois de l'europe prétendent entre eux une entiére égalité, ce qui est très-naturel; mais les rois de france ont toûjours réclamé la préséance, que mérite l'antiquité de leur race & de leur roiaume: & s'ils ont cédé aux empereurs, c'est parce que les hommes ne sont presque jamais assez hardis pour renversèr un long usage. le chef de la république d'allemagne, prince électif & peu puissant par lui-même, a le pas sans contredit sur tous les souverains, à cause de ce titre de césar & d'héritier de charlemagne. sa chancellerie allemande ne traite [errata: traitait alors] pas même les autres rois de majesté. les rois de france pouvaient disputer la préséance aux empereurs, puisque la france avait fondé le véritable empire d'occident, dont le nom seul subsiste en allemagne. ils avaient pour eux, non seulement la supériorité d'une couronne héréditaire sur une dignité élective, mais l'avantage d'être issus, par une suite non interrompuë de souverains qui régnaient sur une grande monarchie, plusieurs [p. 129] siécles avant que dans le monde entier aucune des maisons qui possédent aujourd'hui des couronnes, fût parvenuë à quelque élévation. ils voulaient au moins précéder les autres puissances de l'europe. on alléguait en leur faveur le nom de très-chrétien. les rois d'espagne opposaient le titre de catholique; & depuis que charles-quint avait eû un roi de france prisonnier à madrid, la fierté espagnole était bien-loin de céder ce rang. les anglais & les suédois, qui n'alléguent aujourd'hui aucun de ces surnoms, reconnaissent, le moins qu'ils peuvent, cette supériorité.

C'était à rome que ces prétentions étaient autrefois débattuës: les papes, qui donnaient les états avec une bulle, se croiaient à plus forte raison en droit de décider du rang entre les couronnes. cette cour, où tout se passe en cérémonies, était le tribunal où se jugeaient ces vanités de la grandeur. la france y avait eû toûjours la supériorité, quand elle était plus puissante que l'espagne; mais depuis le régne de charles-quint, l'espagne n'avait négligé aucune occasion de se donner l'égalité. la dispute restait indécise; un pas de plus ou de moins dans une procession, un fauteüil placé près d'un autel, ou vis-à-vis la chaire [p. 130] d'un prédicateur, étaient des triomphes, & établissaient des titres pour cette prééminence. la chimére du point d'honneur était extréme alors sur cet article entre les couronnes, comme les duëls entre les particuliers.

Il arriva qu'à l'entrée d'un ambassadeur de suéde à londres, le comte d'estrade [M] ambassadeur de france, & le baron de watteville ambassadeur d'espagne, se disputérent le pas. l'espagnol, avec plus d'argent & une plus nombreuse suite, avait gagné la populace anglaise: il fait d'abord tuer les chevaux des carosses français, & bientôt les gens du comte d'estrade, blessés & dispersés, laissérent les espagnols marcher l'épée nuë comme en triomphe.

Louis XIV, informé de cette insulte, rappella l'ambassadeur qu'il avait à madrid, fit sortir de france celui d'espagne, rompit les conférences qui se tenaient encor en flandre au sujet des limites, & fit dire au roi philippe IV son beau-pére, que s'il ne reconnaissait la supériorité de la couronne de france, & ne réparait cet affront par une satisfaction solennelle, la guerre allait recommencer. philippe IV ne voulut pas replonger son roiaume dans une guerre nouvelle, pour la préséance d'un ambassadeur: il envoia le comte de [p. 131] fuentes [M] déclarèr au roi à fontainebleau, en présence de tous les ministres étrangers, qui étaient en france: que les ministres espagnols ne concourraient plus dorénavant avec ceux de france. ce n'en était pas assez pour reconnaître nettement la prééminence du roi; mais c'en était assez pour un aveu authentique de la faiblesse espagnole. cette cour encor fiére, murmura longtems de son humiliation. depuis, plusieurs ministres espagnols ont renouvellé leurs anciennes prétentions: ils ont obtenu l'égalité à nimégue; mais louis XIV acquit alors, par sa fermeté, une supériorité réelle dans l'europe, en faisant voir combien il était à craindre.

A peine sorti de cette petite affaire avec tant de grandeur, il en marqua encor davantage dans une occasion, où sa gloire semblait moins intéressée. les jeunes français, dans les guerres faites depuis longtems en italie contre l'espagne, avaient donné aux italiens circonspects & jaloux, l'idée d'une nation impétueuse. l'italie regardait toutes les nations, dont elle était inondée, comme des barbares, & les français comme des barbares plus gais que les autres mais plus dangereux, qui portaient dans toutes les maisons les plaisirs avec le mépris, & la débauche avec l'insulte. ils étaient craints partout, & surtout à rome.

[p. 132] Le duc de créqui, ambassadeur auprès du pape, avait révolté les romains par sa hauteur: ses domestiques, gens qui poussent toûjours à l'extrémité les défauts de leur maître, commettaient dans rome les mêmes désordres que la jeunesse indisciplinable de paris, qui se faisait alors un honneur d'attaquer toutes les nuits le guet qui veille à la garde de la ville.

Quelques laquais du duc de créqui s'avisérent de charger l'épée à la main une escouade des corses (ce sont les archers de rome) & mirent en fuite ces misérables. tout le corps des corses, offensé & secrettement animé par dom mario chigi frére du pape aléxandre VII, qui haïssait le duc de créqui, vint en armes assiéger la maison de l'ambassadeur. [M] ils tirérent sur le carosse de l'ambassadrice qui rentrait alors dans son palais; ils lui tuérent un page, & blessérent plusieurs domestiques. le duc de créqui sortit de rome, accusant les parens du pape & le pape lui-même, d'avoir favorisé cet assassinat. le pape différa tant qu'il put la réparation, persuadé qu'avec les français il n'y a qu'à temporiser, & que tout s'oublie. il fit pendre un corse & un sbire au bout de quatre mois, & il fit sortir de rome le gouverneur, soupçonné [p. 133] d'avoir autorisé l'attentat: mais il fut consterné d'apprendre, que le roi menaçait de faire assiéger rome, qu'il faisait déja passer des troupes en italie, & que le maréchal duplessis-pralin était nommé pour les commander. l'affaire était devenuë une querelle de nation à nation, & le roi voulait faire respecter la sienne. le pape, avant de faire la satisfaction qu'on demandait, implora la médiation de tous les princes catholiques; il fit ce qu'il put pour les animer contre louis XIV; mais les circonstances n'étaient pas favorables au pape. l'empire était attaqué par les turcs: l'espagne était embarrassée dans une guerre peu heureuse contre le portugal.

La cour romaine ne fit qu'irriter le roi sans pouvoir lui nuire. le parlement de provence cita le pape, & fit saisir le comtat d'avignon. dans d'autres tems les excommunications de rome auraient suivi ces outrages; mais c'était des armes usées, & devenuës ridicules: il fallut que le pape pliât; il fut forcé d'éxiler de rome son propre frére, d'envoier son neveu le cardinal chigi, en qualité de légat à latere, faire satisfaction au roi, de casser la garde corse, & d'élever dans rome une piramide, avec une inscription qui contenait l'injure & la réparation. le [p. 134] cardinal chigi fut le premier légat de la cour romaine, qui fut jamais envoié pour demander pardon. les légats auparavant venaient donner des loix & imposer des décimes. le roi ne s'en tint pas à faire réparèr un outrage par des cérémonies passagéres, & par des monumens qui le sont aussi; (car il permit quelques années après la destruction de la piramide;) mais il força la cour de rome à rendre castro & ronciglione au duc de parme, à dédommager le duc de modéne de ses droits sur commachio; & il tira ainsi d'une insulte, l'honneur solide d'être le protecteur des princes d'italie.

En soûtenant ainsi sa dignité, il n'oubliait pas d'augmenter son pouvoir. ses finances bien administrées par colbert, le mirent en état d'acheter dunkerque & mardik du roi d'angleterre, pour cinq millions de livres, à vingt-six livres dix sols le marc. charles II, prodigue & pauvre, eut la honte de vendre le prix du sang des anglais. son chancelier hide, accusé d'avoir ou conseillé ou souffert cette faiblesse, [M] fut banni depuis par le parlement d'angleterre, qui punit souvent les fautes des favoris, & qui quelquefois même juge ses rois.

[M] Louis fit travailler trente-mille hommes à fortifier dunkerque du côté de la [p. 135] terre & de la mèr. on creusa, entre la ville & la citadelle, un bassin capable de contenir trente vaisseaux de guerre, de sorte qu'à peine les anglais eûrent vendu cette ville, qu'elle devint l'objet de leur terreur.

Quelque tems après, le roi força le duc de lorraine à lui donner la forte ville de marsal. ce malheureux Charles IV, guerrier assez illustre, mais prince faible, inconstant & imprudent, venait de faire un traité[M] , par lequel il donnait la lorraine à la france après sa mort, à condition que le roi lui permettrait de levèr un million sur l'état qu'il abandonnait, & que les princes du sang de lorraine seraient réputés princes du sang de france. ce traité, vainement vérifié au parlement de paris, ne servit qu'à produire de nouvelles inconstances dans le duc de lorraine; trop heureux ensuite de donner marsal, & de se remettre à la clémence du roi.

Louis augmentait ses états même pendant la paix, & se tenait toûjours prêt pour la guerre, faisant fortifier ses frontiéres, tenant ses troupes dans la discipline, augmentant leur nombre, faisant des revuës fréquentes.

Les turcs étaient alors très-redoutables en europe; ils attaquaient à la fois [p. 136] l'empereur d'allemagne & les vénitiens. la politique des rois de france a toûjours été, depuis françois premier, d'être alliés des empereurs turcs, non seulement pour les avantages du commerce, mais pour empécher la maison d'aûtriche de trop prévaloir. cependant un roi chrétien ne pouvait refuser du secours à l'empereur trop en danger, & l'intérêt de la france était bien, que les turcs inquiétassent la hongrie, mais non pas qu'ils l'envahissent; enfin ses traités avec l'empire lui faisaient un devoir de cette démarche honorable. il envoia donc six-mille hommes en hongrie, sous les ordres du comte de coligni, seul reste de la maison de ce coligni autrefois si célébre dans nos guerres civiles, & qui mérite peut-être une aussi grande renommée que cet amiral, par son courage & par sa vertu. l'amitié l'avait attaché au grand condé, & toutes les offres du cardinal mazarin n'avaient jamais pu l'engagèr à manquèr à son ami. il mena avec lui l'élite de la noblesse de france, & entre autres le jeune la feuillade, homme entreprenant, & avide de gloire & de fortune. ces français allérent servir en hongrie sous [M] le général montécuculi, qui tenait tête alors au grand-visir kiuperli, & qui depuis en servant contre la france, balança [p. 137] la réputation de turenne. il y eut un grand combat à saint-gothard au bord du raab, entre les turcs & l'armée de l'empereur. les français y firent des prodiges de valeur; les allemans même, qui ne les aimaient point, furent obligés de leur rendre justice. mais ce n'est pas la rendre aux allemans, de dire, comme on a fait dans tant de livres, que les français eûrent seuls l'honneur de la victoire.

Le roi, en mettant sa grandeur à secourir ouvertement l'empereur, & à donner de l'éclat aux armes françaises, mettait sa politique à soûtenir secrettement le portugal contre l'espagne. le cardinal mazarin avait abandonné formellement les portugais par le traité des pirénées; mais l'espagnol avait fait plusieurs petites infractions tacites à la paix. le français en fit une hardie & décisive: le maréchal de schomberg, étranger & hugenot[erreur], passa en portugal avec quatre-mille soldats français, qu'il païait de l'argent de louis XIV, & qu'il feignait de soudoièr au nom du roi portugais. ces quatre-mille soldats français, joints aux troupes portugaises, remportérent à villa viciosa [M] une victoire complette, qui affermit le trône dans la maison de bragance. ainsi louis XIV passait déja pour un prince guerrier & politique, & l'europe [p. 138] le redoutait même avant qu'il eût encor fait la guerre.

Ce fut par cette politique, qu'il évita malgré ses promesses, de joindre le peu de vaisseaux qu'il avait alors, aux flottes hollandaises. il s'était allié avec la hollande en 1662. cette république, environ ce tems-là, recommença la guerre contre l'angleterre, au sujet du vain & bizarre honneur du pavillon, & du droit réel de son commerce dans les indes. louis voiait avec plaisir ces deux puissances maritimes, mettre en mèr tous les ans, l'une contre l'autre, des flottes de plus de cent vaisseaux, & se détruire mutuellement par les batailles les plus opiniâtrées qui se soient jamais données, dont tout le fruit était l'affaiblissement des deux partis. [M] il s'en donna une qui dura trois jours entiers. ce fut dans ces combats, que le hollandais ruiter acquit la réputation du plus grand homme de mèr qu'on eût vu encor. ce fut lui qui alla brûler les plus beaux vaisseaux d'angleterre jusques dans ses ports à quatre lieuës de londres. il fit triompher la hollande sur les mers, dont les anglais avaient toûjours eû l'empire, & où louis XIV n'était rien encore.

La domination de l'océan était partagée depuis quelque tems entre ces deux nations. l'art de construire les vaisseaux, [p. 139] & de s'en servir pour le commerce & pour la guerre, n'était bien connu que d'elles. la france, sous le ministére de richelieu, se croiait puissante sur mèr, parce que d'environ soixante vaisseaux ronds que l'on comptait dans ses ports, elle pouvait en mettre en mèr environ trente, dont un seul portait soixante & dix canons. sous mazarin, on acheta des hollandais le peu de vaisseaux que l'on avait. on manquait de matelots, d'officiers, de manufactures, pour la construction & pour l'équipement. le roi entreprit de réparer les ruines de la marine, & de donnèr à la france tout ce qui lui manquait avec une diligence incroiable; mais en 1664 & 1665, tandis que les anglais & les hollandais couvraient l'océan de près de trois-cent gros vaisseaux de guerre, il n'en avait encor que quinze ou seize du dernier rang, que le duc de beaufort occupait contre les pirates de barbarie; & lorsque les états-généraux pressérent louis XIV de joindre sa flotte à la leur, il ne se trouva dans le port de brest qu'un seul brûlot, qu'on eut honte de faire partir, & qu'il fallut pourtant leur envoier sur leurs instances réitérées. ce fut une honte, que louis XIV s'empressa bien vîte d'effacer.

Il donna aux états un secours de ses [p. 140] forces de terre, plus essentiel & plus honorable. il leur envoia six-mille français, pour les défendre contre l'évêque de munster, christoffe-bernard de gaalen, prélat guerrier & ennemi implacable, soudoié par l'angleterre pour désoler la hollande. mais il leur fit païer chérement ce secours, & les traita comme un homme puissant, qui vend sa protection à des marchands opulens. colbert mit sur leur compte, non seulement la solde de ces troupes, mais jusqu'aux frais d'une ambassade envoiée en angleterre, pour conclure leur paix avec charles II. jamais secours ne fut donné de si mauvaise grace, ni reçu avec moins de reconnaissance.

Le roi aiant ainsi aguerri ses troupes & formé de nouveaux officiers en hongrie, en hollande, en portugal, respecté & vangé dans rome, ne voiait pas un seul potentat qu'il dût craindre. l'angleterre ravagée par la peste, londres réduite en cendres par un incendie attribué injustement aux catholiques; la prodigalité & l'indigence continuelle de charles second, aussi dangereuses pour ses affaires que la contagion & l'incendie, mettaient la france en sureté du côté des anglais. l'empereur réparait à peine l'épuisement d'une guerre contre les turcs. [p. 141] le roi d'espagne philippe IV mourant, & sa monarchie aussi faible que lui, laissaient louis XIV le seul puissant & le seul redoutable. il était jeune, riche, bien servi, obéi aveuglément, & marquait l'impatience de se signalèr & d'être conquérant.